University of Bielefeld -  Faculty of technology
Networks and distributed Systems
Research group of Prof. Peter B. Ladkin, Ph.D.
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FCU. Dans la fenêtre d'affichage, une légende signale, au dessus de la valeur considérée, la nature du paramètre

sélectionné (VS ou FPA). La valeur sélectée peut être par la suite modifiée par simple rotation de la commande

d'affichage. La sélection de référence peut se faire bien avant le point de début de descente.

22.333 - Procédure d'utilisation

La procédure de commande d'une mise en descente comprend normalement la sélection de la référence voulue (action au centre du FCU), puis l'affichage de la valeur sélectée par rotation du 1'rotacteurl', et l'activation du mode par traction sur ce même rotacteur (actions sur la droite du FCU). Cette séparation des lieux d'action augmente la probabilité d'interruption de la séquence d'actions qui sont normalement liées dans la procédure. Or la probabilité d'un oubli en amont ou en aval de l'interruption augmente avec la probabilité d'interruption. De plus il existe un bouton poussoir identique au sélecteur de mode (destiné à 1'affichage des altitudes en mètres sur l'écran EW/D) qui, lui, est situé à côte' du rotacteur d'affichage des valeurs sélectées de FPA ou de VS. Ceci crée une possibilité de confusion entre les deux boutons poussoirs, d'autant plus que ces boutons poussoirs ne sont pas directement repérés par une indication explicite de leur fonction.

22.334 - Fiabilité du processus de commande

En cas de pression temporelle ou de stress, un opérateur humain adapte automatiquement ses procédures opératoires en faisant l'économie d'actions perçues comme moins importantes, ou moins efficaces. Il abandonne certains des contrôles au profit de l'exécution, cherche à mettre en oeuvre des réponses toutes prêtes (routines) au détriment de solutions raisonnées, et plus généralement abandonne la réflexion au profit de l'action. A la limite il ne gardera que ce qu'il perçoit.comme essentiel à son projet d'action. Il s'agit là d'un mécanisme de régulation de la charge de travail, qui constitue un déterminisme interne incontournable pour tout être humain.

Pour l'équipage du F-GGED, l'objectif était de faire descendre 1 'avion. Le noyau dur de la procédure qui conduit à ce résultat ne comprend que les actions f inales, c'est à dire l'affichage (même grossier) d'un taux de descente suivi de l'activation d'un mode de descente. Or, par opposition à la séquence sélection du mode de descente / affichage de la valeur cible, ces deux actions sont fortement corrélées sur le plan ergonomique: elles passent par un même rotacteur, et peuvent s 'enchaîner dans un geste continu. La présentation des commandes renforce donc la tendance d'un opérateur sous pression à oublier la phase préliminaire de la procédure: la sélection du mode.

211

22.335 - Criticité du processus de commande

La cohérence entre le mode de descente sélectionné et

la valeur affichée est une condition critique de sécurité.

En effet 1'affichage d' une valeur normale sur un mode (par

exemple un angle de descente de 3.3 degrés) peut conduire

à une situation critique si elle est prise en compte par

le pilote automatique comme une valeur cible sur l'autre

mode (3300 ft/mn dans l'exemple choisi).

Ce caractère critique résulte en fait de la conception de la commande et de la fenêtre d'affichage de la valeur sélectée. Même si des légendes à cristaux liquides rappellent la référence et le mode sélectionnés, le rotacteur de commande et la fenêtre d'affichage numérique sont communs aux deux modes. Le format des valeurs numériques sélectées est par ailleurs beaucoup plus lisible (hauteur triple) que celle de l'indication de mode. La sensibilité de la commande est plus de trois fois plus grande en mode VS qu'en mode FPA: un clic = 0,1° en FPA; un clic = 100 ft/mn en VS, soit plus de 0,3° à vitesse normale d'approche. or les formats de codage sont extrêmement voisins. Le codage sur deux chiffres de la vitesse verticale supprime toute possibilité de discrimination fiable (par le format) entre les deux grandeurs alternatives. Au contraire, ce sur-codage sur deux chiffres (ex:33) d'une grandeur par ailleurs toujours codée sur trois ou quatre chiffres pour son utilisation par un opérateur humain (ex: 3300) augmente la probabilité de confusion entre une valeur de VS et une valeur de FPA. La probabilité de confusion entre 33 et 3.3 est élevée. Une fois commis, ce type derreur est pratiquement indétectable par la seule observation de l'affichage.(Les autres moyens de détection dont dispose l'équipage sont discutés au § 22.34).

22.336 Conclusion

En conclusion la conception du rotacteur et de la

fenêtre d'affichage du paramètre de pilotage de la

trajectoire verticale confère un caractère critique à la

cohérence mode vertical/valeur sélectée. Or la probabilité

de confusion dans ce domaine apparaît élevée, en

particulier pour un équipage jeune sur l'avion. La

répartition spatiale des sélecteurs de mode et de valeur

sélectée tend à accentuer la faiblesse naturelle du

processus cognitif mis en oeuvre par un opérateur humain.

22.34 Ergonomie de présentation des paramètres de contrôle de la trajectoire verticale

22.341 - Introduction

Il découle de ce qui précède que la détection a posteriori d'une anomalie de trajectoire engendrée par une

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erreur éventuelle de léquipage devient un élément critique

de la sécurité. D'ailleurs le seul élément commun à toutes

les hypothèses de scénario conservées par la commission est

l'absence de détection de l'anomalie par l'équipage.

La commission a en conséquence examiné les moyens dont disposait l'équipage pour détecter une mauvaise sélection de mode puis l'anomalie de trajectoire. Ces moyens comprennent l'affichage des modes de pilotage automatique, l'affichage des valeurs cibles, la symbologie du Directeur de Vol (DV), le variomètre, l'assiette longitudinale, l'augmentation de vitesse, le défilement de l'altimètre et la non conformité des altitudes franchies avec les minimums altitudes/distance spécifiés dans la procédure VOR-DME.

Dans son analyse, la commission a été guidée par la compréhension suivante des processus de perception d'un opérateur humain: ceuxci s'apparentent à une lecture filtrée permanente des stimuli extérieurs, qui adapte à chaque instant les seuils cognitifs de perception pour opérer une très forte sélection. Ce filtrage est piloté par laaction présente et à venir sur son environnement. Ce pilotage s'effectue représentation mentale que l'opérateur se fait de la réalité, et de son par l'intermédiaire de l'attention, qui est l'interface active de cette représentation mentale avec le monde réel. Elle est indissociable de l'action en cours et s'oriente à chaque instant vers un aspect différent du réel. Lorsqu'un stimulus fait partie du champ d'attention et concorde avec la représentation mentale, le seuil de perception correspondant est faible. Dans le cas contraire, il peut être très élevé.

Dans le vocabulaire employé par la commission dans la suite, le "pouvoir d'alerte" d'une information est sa capacité à franchir les seuils cognitifs en dehors du champ d'attention et/ou malgré une inadéquation de la représentation mentale. Le fait que ces seuils puissent être très élevés (et en particulier le fait que les représentations mentales soient très stables, et résistent parfois spectaculairement aux signaux discordants), ne signifie pas qu'ils soient infranchissables. La commission n'a pas considéré non plus que toutes les présentations de l'information soient de ce point de vue équivalentes, bien au contraire. L'intensité du signal physique (taille, sonorité, luminosité, colorimétrie, dynamique,) rapportée à son environnement lui a semblé un paramètre évident du pouvoir d'alerte. La nature du codage, le degré d'analogie avec le phénomène réel représenté, la nouveauté et le niveau d'abstraction de la symbologie, en déterminant la complexité des processus cognitifs à activer pour le décodage, lui ont également paru jouer un rôle important à cet égard.

213

En application de cette compréhension et de ces

critères, la commission a porté un certain nombre de

jugements sur la présentation instrumentale de différents

paramètres. Parce que les processus cognitifs évoluent

fortement au cours de la phase d'apprentissage et

d'appropriation, elle a porté un regard différent sur les

figurations classiques et sur les figurations nouvelles.

Comme cela a déjà été indiqué, la commission

reconnaît le caractère subjectif des conclusions qu'elle

a tiré de cette démarche.

Enfin, tout en conduisant cette analyse critique sur

certains aspects de la conception de l'ergonomie des

retours d'information du poste de pilotage, la commission

est restée consciente de la complémentarité de tout effort

dans ce domaine avec l'application par l'équipage de

techniques de gestion des ressources et de surveillance

appropriées, telles qu'enseignées par exemple dans les

formations de type CRM (Crew Ressource Management).

22.342 - Affichage des modes de pilotage automatique

Le FCU comporte un affichage des modes sélectionnés.

Ce renseignement apparaît en deux endroits: sur la fenêtre

d'affichage de la référence de trajectoire choisie (HDG-VS ou TRK-FPA), et dans la partie supérieure de la

d'affichage de la valeur sélectée. La hauteur des est nettement faible que celle des caractères

numériques, et qu' il en soit, signalisation ne constitue pas la référence principale. En effet, la philosophie de base définie par le constructeur pour la détection des anomalies repose sur le principe suivant: le résultat de toute intervention sur le FCU doit être contrôlé sur le FKA. En particulier les changements de mode sont mis en évidence par l'apparition, pendant dix secondes, d'un encadré (ou "box") autour de l'affichage du mode qui vient de subir une modification.

Dans le cas du F-GGED, le problème se pose

différemment selon l'hypothèse de scénario considérée.

S'agissant d'un oubli de changement de référence, il s'agit

de détecter que le mode activé au dégagement du mode ALT,

et souligné par l'apparition d'un encadré blanc pendant dix

secondes, est le mode attendu. S'agissant d'une erreur de

manipulation ou d'un dysfonctionnement du bouton poussoir,

le problème est de détecter à travers l'affichage l'absence

du changement attendu. La fiabilité d'une telle détection

"en négatif" est liée à celle de la détection "en positif" des changements de mode.

La lisibilité des changements de mode sur le FMA est

suffisante lorsque le pilote s'attend à une telle

information et regarde le FKA, ou au voisinage du FMA pour

y lire la confirmation du changement de mode attendu

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(comportement équipage conforme à la procédure prévue et aux règles enseignées). En effet la taille angulaire de l'encadré transitoire, vu d'une position moyenne de l'oeil, est de l'ordre de 2°. Ceci correspond à la taille de la zone de vision centrale capable d'une lecture alphanumérique. Lorsqu'on s'écarte de cette zone, l'acuité visuelle devient rapidement insuffisante pour permettre lalecture directe des modes, mais la vision reste sensible aux phénomènes transitoires. L'apparition, puis la disparition à dix secondes d'intervalle de l'encadré reste par exemple perceptible avec un minimum d'attention si le regard est axé sur le centre du PFD. Cependant la lecture du mode imposerait une saccade de l'axe de regard vers le

FMA.

Par contre l'efficacité de l'encadré n'est pas

toujours suffisante pour "forcer" une information aupres

d'un pilote qui n'attend pas de changement de mode

(détection d'un changement intempestif) , ou qui ne consacre

pas effectivement une part de son attention à la

vérification du mode activé (comportement équipage non

conforme à la procédure prévue et aux règles enseignées).

Il suffit par exemple que le regard soit axé sur le centre

du ND et l'attention consacrée à un problème de navigation

pour que la signalisation d'un changement de mode ne soit

pas perçue.

22.343 - Affichage des valeurs cibles

La philosophie enseignée et rappelée cidessus vaut également pour les valeurs cibles: toute action sur le FCU doit être contrôlée sur le PFD. Cependant le contrôle au PFD des valeurs cibles de trajectoire verticale (VS ou FPA) effectivement prises en compte par le pilote automatique est impossible car ces valeurs ne sont pas présentées, à la différence des cibles de cap, route, altitude, vitesse ou mach. Il y a donc sur ce point conflit entre la conception de l'interface, la philosophie générale présentée par l'avionneur, et les principes enseignés pour son utilisation.

En l'absence de figuration des valeurs cibles verticales, et puisque les modes verticaux VS et FPA sont toujours couplés à des modes latéraux associés (HDG et TRK), le pouvoir de discrimination de la symbologie vis à vis du mode activé repose sur la symbologie de figuration des cibles latérales, cap ou route. Or celleci est pratiquement identique dans les deux cas: alors que les index de cap et de route magnétique instantanés sont distincts (barre verticale jaune et losange vert), la cible est figurée, sur l'échelle des caps du PFD et sur le ND, par le même symbole (un triangle de couleur cyan) dans les deux modes (ou par la valeur numérique si elle se situe hors de l'échelle).

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Les seules différences de présentation entre les deux références du point de vue de la figuration des valeurs cibles concernent en fait d'une part la brillance et la longueur de l'index jaune des caps, qui sont diminuées en référence TRK-FPA, et d'autre part l'apparition en mode TRK de la cible de route magnétique la ligne d'horizon du ND. Elle est cependant figurée alors par une barre verticale (de couleur cyan) analogue à celle qui représente partout ailleurs l'index des caps.

En résumé, l'affichage des valeurs cibles au PFD ne

comporte pas les paramètres de la trajectoire verticale.

L'équipage ne peut donc pas vérifier la valeur du paramètre

vertical prise en compte comme cible par le FMGC. D'autre

part, la symbologie de figuration des cibles latérales ne

permet pas une discrimination évidente de la référence de

trajectoire utilisée.

22.344 - Variomètre

22.344.1 - Un instrument essentiel pour la détection

d'une anomalie de trajectoire verticale de ce type'est le

variomètre. La présentation du variomètre de l'A320 est

analogue à celle de la plupart des avions récents équipés

de tubes cathodiques. Rien ne prouve qu'une présentation

de déviation analogique linéaire soit intrinsèquement moins

efficace ou alertante que la présentation circulaire des

instruments classiques. Elle est en revanche différente,

et en conséquence la mise en place de seuils d'alerte pour

la perception immédiate d'une situation anormale nécessite

l'accumulation d'une expérience nouvelle (étalonnage

empirique de la perception) que n'avait probablement pas

encore acquis l'équipage du F-GGED (voir § 22.233, rôle de

l'expérience sur le type). Il est même possible que ces

pilotes n'aient Jamais eu l'occasion, y compris lors de

leur instruction, de voir apparaître la signalisation ambre

de valeurs de vitesse verticale anormales en approche.

22.344.2 - Si on compare la présentation du variomètre de l'A320 à celles d'autres cockpits à écrans cathodiques, on constate que dans le cas de 1'A320, l'amplitude de la déviation analogique est limitée à +/- 2000 ft/mn. Les valeurs supérieures sont indiquées par une aiguille en butée et par l'apparition en bout d'échelle d'un nombre à deux chiffres (vitesse verticale exprimée en centaines de pieds par minute). Laissée en l'état, cette présentation serait insuffisamment alertante dans le cas où la valeur de vitesse verticale représentant une éventuelle anomalie dépasserait 2000ft/mn. En effet, elle fait appel à une lecture à part entière (décodage), c'est à dire un processus cognitif de niveau supérieur à celui mis en jeu pour la perception d'un signal analogique.

Un tel processus, qui nécessite une attention dirigée, est trop consommateur en ressources mentales pour être maintenu actif en permanence chez un opérateur. Il

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doit donc être activé par un déclenchement extérieur faisant appel à des signaux plus élémentaires. Le

constructeur a choisi pour obtenir ce résultat un codage en couleur ambre des gammes de taux de descente considérés comme anormaux : plus de 6000 ft/mn, ou plus de 2000 ft/mn au-dessous de 2500 ft HRA (hauteur radio-altimètre) , ou plus de 1200 ft/mn au-dessous de 1000 ft HRA.

22.344.3 - Dans le cas de l'accident ce pouvoir d'alerte a été insuffisant pour faire prendre conscience de la gravité de la situation à l'équipage. La vitesse verticale a dépassé 1000 ft/mn (qui peut être considérée comme une valeur en limite de normalité en approche intermédiaire/ finale) à 18hl9mn53s, soit 15 secondes après l'engagement du mode de descente c'estàdire 44 secondes avant l'accident. D'après la logique rappelée cidessus, l'indication de vitesse verticale a dû devenir ambre lorsque les deux conditions, HRA inférieure à 2500 ft et vitesse verticale supérieure à 2000 ft/mn, étaient réunies, environ 20 secondes après l'engagement de la descente soit 40 secondes avant l'accident. Cet affichage a dû rester ambre jusqu'à l'impact puisque les conditions sont restées remplies.

A 18h20mn9s, soit 28 secondes avant l'accident, le

commandant sort les aérofreins: ceci indique qu'il a

regardé le PFD et été correctement alerté au sujet de la

vitesse. Malgré cela, il n'a été alerté ni par la couleur

ambre de l'échelle du variomètre ni par la valeur de

vitesse verticale affichées sur ce même PFD. On peut

interpréter cette différence de deux manières. On peut

considérer d'abord que le commandant avait une raison

particulière de rechercher l'information de vitesse

puisqu'il devait Vérifier la prochaine limite VFE pour la

sortie des volets vers la position 3 (VFE next). On peut

aussi considérer, en remarquant que la vitesse indiquée est

à cet instant de 192 Kts et que la f lèche de tendance

pénètre juste dans le bandeau VFE, que la flèche jaune

représentant les variations de vitesse est plus attractive

et efficace que la barre oblique représentant les

variations d'altitude.

22.344.4 - Les seuils d'alerte qui étaient pertinents

dans le cas de cet accident concernent des valeurs de

vitesse verticale de l'ordre de 1000 à 2000 ft/mn. De

telles valeurs sont encore couvertes par le déplacement

linéaire analogique de l'aiguille indicatrice sur le

variomètre de l'A320. Au delà de ces valeurs, le codage par

couleur d'une information de dépassement de limite fait

appel à un mécanisme d'interprétation plus complexe que la

"lecture" d'une position anormale d'aiguille sur un cadran

circulaire. cependant l'association anomalie / couleur

ambre fait partie de la culture de base de tout pilote.

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F-GGED suggère qu'on se demande si la couleur ambre est

bien cohérente avec l'urgence potentiellement associée au

franchissement des seuils d'anomalie, tels que prédéfinis,

durant l'approche. En particulier ce choix pourrait être

rapproché de l'indication par bandeau rouge des vitesses

limites telles que VFE, VLE, etc. Il peut également être

rapproché de la syntaxe symbolique normalisée par le

règlement de certification pour les voyants lumineux

(JAR.1322) ou pour les marquages d'instruments (ex: JAR

1549 et ACJ correspondante). Les significations associées

aux couleurs rouge et ambre y sont en effet les suivantes:

- rouge: alarme; indication d'un danger qui peut

exiger une action immédiate;

- ambre: avertissement; indication d'un besoin

éventuel d'action future;

Enfin la commission s'est demandé si la multiplicité

des couleurs mises en oeuvre sur une faible surface dans

la symbologie des écrans cathodiques n'a pas banalisé les

associations qui se veulent alertantes.

22.344.5 - La commission considère en résumé que, pour

ce qui concerne le variomètre, l'absence de perception des

seuils d'alerte constatée à l'occasion de cet accident

résulte moins des caractéristiques de la présentation du

variomètre, que de sa nouveauté pour l'équipage du F-GGED.

En effet celuici n'avait probablement pas encore acquis

l'expérience nécessaire pour la perception immédiate d'une

situation anormale. La commission estime cependant que le

temps d'acquisition de l'expérience correspondante pourrait

être nettement réduit par un renforcement de la

présentation de la vitesse verticale, et en particulier un

renforcement du pouvoir d'alerte des valeurs anormales.

22.345 - Altimètre

L'altimètre constitue également un instrument essentiel pour la détection d'une anomalie de trajectoire verticale dans une approche VOR/DME. Associé au DME, il permet de comparer les altitudes de passage de l'avion à des minimums spécifiés indiqués sur la fiche de procédure, pour des distances spécifiées. Or le C.VR n'indique pas que le contrôle prévu à 9NM de STR ait été effectué (ce point est traité plus complètement aux paragraphes 22.523 et 22.53). Seule une annonce au temps QAR 3049 ("faut faire attention qu'il ne descende pas") indique peut-être une préoccupation de l'équipage visàvis de l'altitude, sans qu'on puisse savoir ce qui a amené le commandant à formuler cette phrase il s'agit peutêtre d'autre chose que de l'avion pas plus que la suite qui lui a été donnée.

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Dans ces conditions, le pouvoir d'alerte d'un altimètre, quelle qu'en soit la présentation, est à peu près nul, car l'opération mentale (lecture de valeurs numériques, comparaison algébrique) qui pourrait conduire à la détection de l'écart vertical suppose de l'attention dirigée, donc un contrôle conscient. Le seul élément alertant potentiel réside dans le défilement anormalement rapide des indications d'altitude, qui fonctionne alors comme un variomètre. La commission s'est interrogée, de ce point de vue, sur l'efficacité de la présentation instrumentale de l'altitude. Elle a atteint des conclusions analogues à celles qui concernent l'indication variométrique. L'élément déterminant est la nouveauté de l'instrument pour cet équipage, qui n'avait pas atteint une expérience pratique suffisante pour la mise en place de seuils d'alerte adaptés à la perception immédiate d'une situation anormale.

22.346 - Présentation de l'assiette longitudinale

L'assiette est devenue négative, ce.qui peut être

considéré comme une anomalie pour une approche sous un

angle de3°, environ 45 secondes avant l'impact. Elle a

dépassé 50 (anomalie manifeste) environ 40 secondes avant

l'impact. L'absence de réaction du pilote aux commandes

suscite une très forte présomption qu'il n'a pas pris

conscience de l'anomalie. La représentation d'assiette sur

A320 est classique, et aucun phénomène d'apprentissage

spécifique n'est donc impliqué.

On peut cependant noter qu'il existe une interaction

entre la représentation de l'assiette et la symbologie du

Directeur de Vol (voir paragraphe 22.346), comme le

montrent les confusions qui se produisent entre assiette

et angle de montée en remise de gaz en mode FPA. Dans

l'hypothèse d'une erreur sur le mode, on ne peut donc pas

exclure que l'attente d'un repère (celui du FPA) au dessous

de l'horizon atténue la perception de l'anomalie que

constitue une assiette négative.

On peut néanmoins déduire de cette absence de perception d'une anomalie importante indiquée par une présentation classique que l'équipage a abandonné la surveillance de l'assiette pendant cette période, au profit, soit de la navigation latérale, soit de sources d'information de niveau de synthèse plus élevé (ex: Directeur de Vol)

22.347 - Le directeur de vol (DV)

La commission s'est interrogée sur le pouvoir d'alerte du directeur de vol dans les circonstances de l'accident, tant vis à,vis d'une erreur de mode que vis à vis de l'anomalie de trajectoire.

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En ce qui concerne l'erreur de mode, la symbologie de présentation du directeur de vol sur le PFD est différente selon que l'on est en référence HDG-VS ou en référence TRK-FPA (voir annexe 15). En référence HDG-VS, la symbologie fait appel à des barres de tendance croisées traditionnelles. En référence TRK-FPA, elle affiche une maquette symbolique de 1'avion vu de 1 'arrière (Flight Path Vectoriel ou "bard") pour représenter le vecteur vitesse instantané, et une barre de référence spécifique (Flight Path Director) pour le guidage. Ces deux symbologies sont donc intrinsèquement tout à fait différentes.

Cependant la corrélation entre les symbologies et les modes est abstraite, et leur association automatique dans les représentations mentales suppose donc une expérience assez importante, que ne possédait pas l'équipage.

En ce qui concerne l'anomalie de trajectoire, le pouvoir d'alerte du DV était pratiquement nul: en effet, dans les circonstances, l'information brute présentée aux pilotes du F-GGED par leurs DV en mode VS était : "aiguilles centrées", dont le décodage immédiat est : "manoeuvre correcte". Dans un tel contexte, l'information présentée fonctionne donc plutôt comme une confirmation de normalité.

22.348 - Equilibre général des informations verticales et latérales

Il existe une tendance des opérateurs à concentrer leur attention sur les sources dl information qui présentent le niveau de synthèse le plus élevé, et par conséquent la meilleure efficacité opérationnelle. Ceci est vrai pour le Directeur de Vol dans une instrumentation classique. Pour les avions dotés d'écrans cathodiques et de FMS, l'information de plus haut niveau de synthèse (niveau stratégique) en ce qui concerne la trajectoire de l'avion est celle présentée sur le ND. Or celui-ci ne comprend que le profil latéral de la trajectoire.

Il y a donc de ce point de vue, une dissymétrie marquée dans l'interface avion/équipage entre les dimensions latérales et la dimension verticale. La nature différente des informations en plan et en profil vertical et leur synthèse est une des difficultés de base de la formation d'un pilote IFR. La navigation latérale a en effet bénéficié de progrès plus rapides vers des représentations analogiques que la dimension verticale. Cette dissymétrie, déjà accentuée par l'apparition des plateaux de route, s'est aggravée lors de l'arrivée des EFIS présentant des cartes de navigation en plan très complètes, mais sans information de profil vertical, ni figuration topographique ou représentation d'altitude

220

minimal de sécurité. Bien que de nombreux types d'avion exploitent maintenant avec succès de tels dispositifs, il y a là une cause manifeste de déséquilibre dans l'affectation de l'attention de l'équipage.

22.349 - Conclusion

Globalement, la non détection des anomalies de vitesse verticale, de défilement d'altimètre et des

altitudes atteintes, traduit un abandon majeur par l'équipage de la surveillance du profil vertical au profit de la surveillance latérale et de la mise en configuration de l'avion. Elle ne met pas en évidence de déficience intrinsèque importante dans la présentation des paramètres de contrôle de la trajectoire verticale.

Cependant la commission considère que la présentation des informations de guidage et de pilotage dans le plan vertical, si elle est de nature à satisfaire aux besoins d'un équipage convenablement conscient de sa trajectoire, n'est pas propre à alerter efficacement un équipage en situation d'erreur de représentation à cet égard, d'autant que certaines sources traditionnelles de retours sensoriels n'existent pas sur cet avion.

22.35 - Autres facteurs d'alerte potentiels

22351 - Loi de prise d'assiette en pilotage automatique

La loi de prise d'assiette au PA (limitation à 0,05g du différentiel de facteur de charge) n'a joué aucun râle dans le cas du F-GGED puisque, du fait d'une vitesse ascensionnelle de 600 ft/mn existant au moment de la commande de descente, ce différentiel a été de 0,12g (car l'autorité du PA est augmentée dans ce cas). Malgré cela, l'équipage n'a pas été alerté par la durée anormale de l'accélération (une quarantaine de secondes au lieu d'une quinzaine pour une stabilisation à 800 ft/mn) . Ceci est conforme à la réponse physiologique normale, qui détecte surtout les variations d'accélération.

22.352 - Viseur Tête Haute (HUD)

Un descriptif de cet équipement figure en annexe 15

Compte tenu de ce qui est dit au § 117.21, le HUD a

pu être mis sous tension alors que la glace n'était pas

déployée. Cette action du pilote (non conforme à la

procédure décrite dans le manuel d'exploitation: "Tout

mouvement de la glace est à faire rhéostat de commande sur

OFF") n'exclut pas que le commandant ait ensuite déployé

la glace. Rien n'indique que le pilote ait regardé le HUD

pour contrôler la trajectoire de l'avion. Au contraire,

bien que rien n'interdise à un pilote de l'utiliser pour

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le début de la descente, la pratique la plus courante lors d'une approche classique est d'exploiter les informations du HUD à partir du moment où la piste est en vue. De plus, en conditions IMC, la seule raison qui aurait pu amener le commandant de bord à regarder dans le HUD est de tenter de positionner le plan suivi par l'avion par rapport au plan sélectionné. Mais dans ce cas, l'absence de référence de

plan sélectionné aurait été évidente.

Le plus probable est donc que le commandant n'ait pas utilisé son HUD.

22.353 - Ergonomie des manettes de puissance

22.353.1 - Par conception, les manettes de poussée de

l'A320 sont "fixes" en mode autopoussée (A/THR). Cela

signifie qu'elles ne sont pas asservies en position aux

ordres de poussée envoyés aux moteurs par le calculateur,

mais restent normalement dans une position fixe

matérialisée par un cran mécanique. La position mécanique

de la manette définit la poussée maximale que..pourra

commander l'autopoussée. Ainsi, à l'exception du décolla

ge, un vol s'effectue entièrement, y compris une descente

avec les moteurs au ralenti, avec les manettes dans le cran

„CLIMB". L'autopoussée peut alors en effet utiliser toutes

les valeurs de poussée inférieures ou égales à la poussée

„CLIMB".

22.353.2 - Dans le cas de l'accident, compte tenu de la pente et de la configuration de l'avion, les régimes moteurs (Ni) se sont stabilisés à 35%. Pour une descente sur un plan de 303 après stabilisation de la trajectoire et de la vitesse en configuration d'approche finale, toutes choses égales par ailleurs, le Ni aurait été d'environ 53%. Si les manettes de poussée avaient été mobiles par conception, au lieu de rester dans le cran CLIMB, elles auraient pris une position dépendant du Ni. La différence entre les deux positions qu'elles auraient prises dans les deux situations évoquées cidessus correspond à environ 1/5 de la plage d'utilisation.

22.253.3 - Les manettes de l'A320 sont de petite taille, et il est peu vraisemblable dans ces conditions que l'équipage aurait détecté une différence de l'ordre de grandeur évoqué cidessus, d'autant plus qu'il est très peu expérimenté sur l'avion. Dans le cas d'une géométrie plus classique, le pouvoir d'alerte serait intrinsèquement plus élevé, notamment par l'intermédiaire de la perception kinesthésique de la variation de position des membres, lorsque la main du pilote est posée sur les manettes. Cette sensibilité fournit en effet un canal complémentaire de saisie d'information, très instinctif, et qui ne mobilise pas les fonctions cognitives supérieures. La commission a cependant considéré que, dans les circonstances de l'accident, comptetenu du mouvement des manettes dans le sens attendu et du faible écart de leur position finale,

222

un tel canal n'aurait pu jouer néanmoins qu'un rÔle très

marginal dans la détection de l'anomalie de trajectoire.

22.354 - Absence d'autocall-out à 400 ft

Sur A320, la fonction d'annonce sonore automatique

(auto callout) de la hauteur radioaltimétrique et de la

hauteur de décision est assurée par les calculateurs FWC

(Flight Warning Computer) . En ce qui concerne les hauteurs

radioaltimétriques, les auto call-out sont sélectionnables

indépendamment les uns des autres par programmation. A

l'époque de l'accident, les annonces qu'il était possible

de programmer étaient les suivantes : 400 pieds (Pannonce

de la voix synthétique est alors "FOUR HUNDRED") , 300, 200,

100, 50, 40, 30, 20, 10, 5 pieds.

Air Inter avait choisi d'activer les annonces de hauteur inférieures ou égale à 200 pieds.

Compte tenu du profil de la trajectoire du F-GGED par

rapport au relief, si l'annonce "four hundred'l avait été

programmée sur cet avion, elle aurait été déclenchée entre

4 et 3 secondes avant l'impact. Ce délai aurait été

manifestement trop court pour permettre l'évitement du mont

La Bloss.

Par ailleurs, il convient de noter que les

éventuelles alarmes GPWS annoncées par la voix synthétique

sont prioritaires sur les annonces radioaltimétriques. En

conséquence si l'avion avait été équipé d'un GPWS, l'alarme

déclenchée par cet équipement (voir § 117.9) aurait été

prioritaire sur l'annonce "FOUR HUNDRED".

22.36 - Absence de GPWB

22.361 - Une étude par simulation numérique de la chronologie des alarmes qui seraient apparues si le F-GGED avait été équipé d'un GPWS figure au § 117.9. Cette étude fait apparaître la première alarme "utile" environ 18 secondes avant l'impact.

Par ailleurs ce même paragraphe fait état d'une

simulation du comportement de l'avion dans les conditions

de l'approche finale. Cette simulation montre que 7

secondes sont nécessaires pour annuler la vitesse verticale

de l'appareil, lorsque la remise de gaz est effectuée en

mode automatique (le facteur de charge est d'environ

1,25g) . Ce délai est réduit à environ 5 secondes si la

remise de gaz est effectuée en mode manuel avec application

immédiate de la pleine déflexion du manche vers l'arrière

(le facteur de charge est alors limité à 2g) . Dans les deux

cas, une réaction à l'alarme permet d'éviter le mont La

Bloss.

223

Selon l'équipementier, des études en vol auraient montré un temps moyen de réaction salvatrice des équipages de 5 à 6 secondes après le déclenchement d'une alarme, pour des équipements Mark II et III, et avec des pilotes entraînés sur simulateur à l'utilisation du GPWS.

22.362 - Une simple opération arithmétique (6+7=13 inférieur à 18) semble donc permettre d'affirmer qu'un GPWS aurait sauvé l'avion, même en prenant en compte une trajectoire de remise de gaz en mode automatique. De fait, une telle affirmation, qui se fonde sur une grandeur qui n'a de sens que statistiquement (le temps moyen de réaction), serait tout à fait simpliste si elle était appliquée à un cas particulier. En effet la réaction d'un équipage à une alarme, quelconque n'est pas un processus déterministe.

Certains accidents de vol "piloté dans le relief" se sont produits avec des avions équipés d'un système GPWS qui avait émis une alarme suffisamment précoce, c'est-à-dire permettant d'éviter le relief après une réaction immédiate. L'équipage n'en avait simplement pas tenu compte, convaincu qu'il ne pouvait s'agir que d'une alarme fausse ou injustifiée, tant elle était incompatible avec la représentation mentale qu'il se faisait de sa position. Ceci est particulièrement le cas lorsque le système est décrédibilisé par un taux excessif d'alarmes injustifiées (problèmes techniques, seuils de déclenchement ou procédures de vol inadaptées) . D'autres accidents de ce type ont également eu lieu, alors que le GPWS avait été mis hors service, délibérément ou par défaut de maintenance.

Selon une statistique très récente concernant les vols effectués par une grande compagnie aérienne, dotée depuis plusieurs années d'une politique très volontaire vis à vis du GPWS, sur environ 300 cas d'alarme GPWS rapportés globalement, 60% n'ont pas entraîné de remise de gaz, et 20% des alarmes justifiées n'ont néanmoins pas conduit à une remise de gaz. De plus aucune des remises de gaz effectuées n'a été conduite comme une manoeuvre dévitement maximum : seules des mises en montée normales ont été exécutées.

Rappelons enf in, que lors de deux des événements rapportés au 117.62, similaires à l'événement pivot, c'est le GPWS qui a permis à l'équipage de se rendre compte que le mode de descente actif n'était pas celui qu'il pensait.

22.363 - Lorsqu'on examine un cas particulier, il

faut donc prendre en compte de nombreux facteurs, dont la

plupart influent sur la réaction de l'équipage à une telle

alarme. Leur analyse concerne un domaine subjectif, où la

sensibilité au contexte, à la fois conjoncturel et général

(culture de compagnie) est importante, et où le pouvoir de

prédiction des. modèles de compréhension disponibles est

très faible à l'échelle du cas isolé.

224

Dans le cas du F-GGED, 1 'équipage est polarisé sur la navigation latérale et le changement de configuration, avec une représentation mentale de sa situation dans laquelle la dimension verticale, déléguée à l'automatisme, est perçue comme tout à fait nominale. L'histoire des accidents montre que dans une telle situation, la représentation mentale est spectaculairement résistante aux signaux extérieurs discordants, qui sont d'abord intégrés à priori comme cohérents: "c'est normal, parce que...".

Pour ce qui est du contexte général, il faut accompagner l'hypothèse "le F-GGED était équipé d'un GPWS" d'hypothèses périphériques sur la culture de la compagnie, ses procédures et ses consignes vis à vis de ce système. Il ne peut évidemment s'agir ici que de pure spéculation.

Rappelons que lorsque la compagnie Air Inter a décidé de ne pas équiper ses A320 en GPWS, le modèle Mark V n'existait pas encore. Par ailleurs, à l'époque de l'accident, le Mark V existait mais n'était pas certifié sur A320. Pour cette raison, dans la suite de cette étude, la commission ne considérera que le modèle Mark III, seul disponible à l'époque où Air Inter à pris sa décision. Notons néanmoins que par rapport au Mark III, le gain apporté par le Mark V concerne principalement le niveau des contraintes opérationnelles à respecter pour ne pas obtenir des alarmes non justifiées. Par exemple, sur la trajectoire suivie par le F-GGED à Strasbourg, le Mark III génère deux alarmes non justifiées à la vitesse à laquelle volait l'avion, soit 230 noeuds, alors que le MARK V ne les génère pas. A une vitesse inférieure à 200 noeuds, le Mark III et le Mark V se comportent de manière similaire et ne génèrent pas d'alarmes non justifiées.

On peut à titre d'exemple examiner deux hypothèses parmi toute la gamme des possibles.

22.364 - Première hypothèse:

L'avion est équipé du GPWS Mark III. Les équipages d'Air Inter utilisent les cartes du Groupe Air France, qui font mention d'alarmes injustifiées potentielles sur la procédure VOR DME 05 de Strasbourg (hélicoïdes) . L'équipage "sait" qu'il ne doit pas tenir compte de l'alarme dans ce cas s'il en a clairement identifié l'origine. Il n'a pas suivi d'entraînement spécifique au simulateur, ni de campagne de sensibilisation particulière insistant sur la nécessité de réagir dans tous les cas à l'alarme GPWS. Aucune procédure particulière liée à l'approche considérée n'a été émise, et le F-GGED effectue la même procédure que lors du vol de l'accident, avec les mêmes vitesses.

En fin de branche d'éloignement, alors que l'êquipage se sait en palier à une altitude de sécurité,

l'alarme retentit. Après vérifications simples, il n'en

225

tient pas compte . L'alarme est amenée à durer pendant deux

minutes, ce qui est particulièrement long et gênant. En

milieu de virage les conditions de déclenchement d'une

alarme injustifiée apparaissent de nouveau. Enf in, une

dernière alarme, justifiée celleci, retentit environ 18

secondes avant l'accident, toujours dans une zone

référencée à alarmes injustifiées possibles.

Dans un tel contexte il paraît fort peu probable que l'équipage aurait réagi positivement à la dernière alarme.

22.365 - Deuxième hypothèse:

L'avion est équipé du GPWS MKIII, la compagnie et les services officiels, chacun dans leur domaine d'action spécifique, avaient développé une politique particulière autour du GPWS. Le concept d'alarme intempestive n'est accepté ni sur les cartes, ni dans les procédures. Les procédures d'approche et de guidage au radar évitent les zones à alarmes injustifiées. Les vitesses d'évolutions en approche ont été adaptées pour éliminer également les alarmes injustifiées. Les équipages sont régulièrement entraînés à avoir une réaction réflexe de remise de gaz avec trajectoire d'évitement en cas d'alarme GPWS au dessous de l'altitude de sécurité.

Dans ces conditions, le vol du F-GGED ne génère

d'alarme GPWS que lors de la descente finale, environ 18

secondes avant le point d'aboutissement à la surface

terrestre.

Dans ces conditions, il est très probable que 1'équ

page aurait réagi positivement à l'alarme.

22.366 - Conclusion

En fait, la seule appréciation vis à vis du GPWS doit être statistique. De ce point de vue les résultats sont clairs: 1 'équipement des f lottes et la mise en place de politiques d'utilisation cohérentes diminuent significativement le nombre de vols pilotés contre le relief.

22.4 - Les relations internes à l`´equipage

Dans sa recherche systématique de tous les facteurs

qui ont pu jouer un râle dans cet accident, la commission

a estimé nécessaire d'examiner si des dysfonctionnements

avaient pu apparaître au niveau des relations internes à

l'équipage. De tels dysfonctionnements auraient pu en effet

avoir un impact sensible sur la performance globale de

l'équipage. La commission a eu, ce faisant, tout à fait

conscience que ses réflexions se situaient dans un domaine,

celui des sciences humaines appliquées au métier de pilote

de ligne, dans lequel beaucoup reste à découvrir et où les

226

vérités ne sont que relatives. La commission a développé

cette réflexion sur trois plans successifs : un rappel sur

les rapports de personnalité des deux pilotes, une analyse

de leur comportement individuel au cours du vol de

l'accident, une analyse de leur comportement en équipage.

22.41 - Rapports de personnalité et affinités

Le commandant de bord apparaît comme un homme réservé, calme, prudent, qui hésite à s'engager sans avoir bien compris la situation, procède avec une certaine lenteur, privilégie l'anticipation et n'aime pas

l'improvisation. Le copilote semble posséder une personnalité plus entreprenante, plutôt sûre d'elle-même, un peu condescendante vis-à-vis de personnes qu'il estime moins rapide que lui à comprendre

Il est à l'aise et bien intégré dans son nouveau milieu professionnel. Mises en présence l'un de l'autre au sein d'un équipage, ces personnalités pouvaient conduire à une certaine atténuation du rapport normal d'autorité entre un commandant de bord et son copilote. or, on ne constate pas vraiment une telle atténuation, et encore moins une inversion de ce rapport d'autorité, dans les éléments du vol reconstitués par

l'enquête.

Les deux hommes n'avaient jamais volé ensemble avant le jour de l'accident et ne s'étaient jamais rencontrés. Il semble cependant que, lors de leur premier contact à Orly avant le premier vol de la journée, ils n'aient éprouvé aucune affinité particulière l'un vis à vis de l'autre. Deux témoignages concordants font en effet mention d'une ambiance particulière qualifiée de "coincée" entre les deux membres d'équipage. Un commandant de bord a en effet effectué en poste de pilotage le vol Paris-Lyon précédant l'accident et a trouvé un équipage silencieux, réduisant ses communications aux seuls échanges obligatoires, chacun étant plongé dans son travail de son côté. Un agent de trafic de l'aéroport de Lyon-Satolas a également remarqué à l'escale de Lyon ce même "climat d'indifférence" entre les deux hommes.

La commission pense donc que cette première prise de contact entre les deux hommes peut s'être traduit par un constat réciproque de manque d'affinité. Les différences physiques et psychiques qui existaient entre eux en sont peutêtre le seul facteur explicatif.

La commission s'est toutefois demandé si le climat particulier rapporté par ces témoins n'avait pas pu provenir d'un incident survenu entre les deux hommes à la prise de service, le commandant constatant une éventuelle alcoolémie chez le copilote. En effet, le taux mesuré par l'analyse toxicologique après l'accident indique une concentration d'alcool dans le sang du copilote comprise entre 0 et 0,30 grammes par litre à 18h3O. Cependant les

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lois de décroissance de l'alcoolémie en fonction du temps ne permettent pas, à partir d'un tel intervalle, d'avancer d'hypothèse sur un taux possible au moment de la prise de contact de l'équipage à Orly. Par ailleurs, l'enquête n'a fait apparaître aucun élément qui indique que le copilote ait pu absorber de l'alcool entre le départ d'Orly et l'accident. Dans ces conditions, la commission estime donc ne pas pouvoir retenir cet élément pour expliquer la froideur de l'ambiance constatée dans le poste de pilotage.

22.42 - Analyse du comportement individuel des

pilotes au cours du vol de l'accident

Le commandant de bord prépare une stratégie d'arrivée à Strasbourg dès le début du vol et cherche à se tenir à ce qu'il a planifié aussi longtemps que possible (percée ILS 23, puis percée ILS 23 suivie d'une approche indirecte 05). Il ne retient donc pas la suggestion du copilote pour une approche VOR/DME 05, probablement directe dans l'esprit de celuici. Ensuite, pour éviter une attente à la verticale de SE, le commandant de bord accepte de réaliser une procédure VOR/DME 05, assortie de la proposition de guidage radar du contrôleur de Strasbourg. Sortant de la stratégie qu'il avait préparée, il semble à partir de ce moment là se situer légèrement en retard par rapport au déroulement du vol.

Bien que le commandant de bord lui ait fait remarquer deux légers manquements (oubli de répondre à un appel du centre de Reims, et insertion de la MDH dans une case inapropriée du MCDU: QAR 1923), le copilote quant à lui paraît s'adapter facilement à l'évolution des circonstances et rester en avance sur le déroulement du vol, quitte à prendre certaines initiatives sans prévenir le commandant de bord (insertion d'une approche VOR 05 au FMGS après écoute de l'ATIS). De même, il relève et fait corriger une erreur du commandant de bord sur la valeur du QFE. Enfin, lors du virage de capture de l'axe d'approche finale, il détecte que la trajectoire est trop intérieure et suggère au commandant les corrections nécessaires. Il est possible que le copilote ait ressenti la nécessité d'une surveillance accrue comptetenu de la façon dont le commandant conduisait le vol vis à vis de la capture de l'axe d'approche finale. ceci pourrait expliquer en partie la focalisation de son attention sur la navigation latérale et l'abandon de sa surveillance dans le plan vertical.

La commission constate que le comportement individuel des membres de l'équipage technique est cohérent avec le profil de personnalité qui a pu être établi à partir du dossier professionnel de chacun d'entre-eux.

228

22.43 - Analyse du comportement en équipage

La commission a relevé sur ce plan un important déficit de communication entre le commandant et le copilote, qui s'est d'abord traduit par la conduite en parallèle de deux stratégies d'approche différentes jusqu'au début de descente puis par l'omission en phase finale du vol de la plus grande partie des annonces prévues.

Ainsi, les stratégies respectives du commandant.et du copilote vis à vis de l'approche sont tout d'abord différentes. Elles reflètent d'ailleurs leur différences de personnalité et d'attitude générale vis à vis de l'avion. A 17h57mn, alors que le copilote vient de prendre l'ATIS de Strasbourg qui donne la piste 05 en service, il semble opter pour une approche VOR/DME directe. A l'inverse, le commandant essaie de conserver globalement son projet initial en l'adaptant aux circonstances nouvel les: il prévoit de poursuivre, l'approche ILS 23 prévue par une approche indirecte en piste 05.

Le maintien d'une cohésion de léquipage dans ce contexte aurait supposé une communication suffisante et explicite entre le commandant et le copilote sur leurs objectifs et actions respectives, ainsi que sur les doutes exprimés et l'explication des décisions prises. Des exemples nombreux montrent qu'il n'en a pas été ainsi. Le copilote modifie l'arrivée insérée sur la page FLIGHT PLAN et remplace l'ILS 23 par une VOR 05 sans prévenir le commandant. Réciproquement, les interrogations du copilote sur les raisons de la décision du commandant d'effectuer malgré tout une approche ILS ("je ne comprend pas pourquoi tu ne tentes quand même pas une VOR DME 05") ne sont pas comprises par le commandant comme une suggestion d'approche VOR/DME directe. Sa réponse porte en effet sur la longueur d'une procédure VOR/DME complète. Le copilote n'insiste pas et tout se passe dans cette phase du vol comme s'il n'y avait pas de genèse d'un projet commun d'approche mais élaboration parallèle de deux projets différents, mal connus du coéquipier.

A partir du début de descente et tout particulièrement dans la phase finale du vol, la commission constate que de nombreuses actions ne font ni l'objet des annonces prévues par les procédures de la compagnie, ni d'une information réciproque substitutive. C'est ainsi qu'aucune annonce de changement de mode FMA n'a été faite par le copilote pendant cette phase du vol (sur les six annonces qui auraient dues être effectuées). De même, le contrôle de la trajectoire verticale de l'avion ne fait l'objet d'aucune annonce explicite permettant un réel contrôle croisé de la part du commandant ou du copilote. La réflexion du copilote "Nous devons l'passer huit cents pieds" juste après la réponse au contrôleur de Strasbourg "Rappelle le VOR en finale" montre que le copilote exprime

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une préoccupation de contrôle vertical sur un point à venir, alors qu'aucun des contrôles verticaux précédents pertinents n'a été effectué.

Cette annonce est suivie par un commentaire du commandant "Faut faire attention qu'il descende pas" qui concerne peut-être l'avion et exprime alors une préoccupation de contrôle vertical plus immédiate (mais on comprend mal alors qu'il n'ait pas réagi alors que l'avion est en descente à 3300 ft/mn depuis 20 secondes). Mais ce commentaire prononcé à mivoix n'est apparemment pas perçu par le copilote, très probablement absorbé par le contrôle latéral de la trajectoire. Dans cette phase finale, la commission constate donc à nouveau un important déficit de communication au sein de cet équipage dont le seul élément de coordination fort a été le contrôle latéral de la trajectoire.

Enfin, la focalisation des deux membres d'équipage sur le contrôle latéral de la trajectoire qui, à l'évidence, a joué un rôle important dans cet accident, a été analysée par la commission d'enquête au plan des relations internes à l'équipage. Le premier cap affiché par le commandant (très probablement 051°), à la suite de l'instruction du contrôleur de Strasbourg "Poursuivez le virage à gauche pour vous établir sur le zéro cinquante et un..," est trop faible compte tenu de la position de l'avion.

Le copilote s' en aperçoit au bout d'une quinzaine de secondes et exprime à deux reprises au commandant son appréciation quant à la capture de l'axe d'approche finale, assortie la deuxième fois d'une proposition de cap de correction. Le commandant ne réagit qu'à cette seconde intervention par deux sélections de cap effectuées à 16 secondes d'intervalle. A partir de cette phase de capture et compte-tenu probablement de la façon dont elle est conduite par le commandant, le copilote va consacrer toute son attention, outre la mise en configuration de l'avion, au contrôle latéral de la trajectoire (à l'exception de la brève annonce "Nous devons l'passer huit cents pieds) et ses interventions auront pour effet d'y verrouiller le commandant de bord, pratiquement sans interruption jusqu'à l'impact.

La commission estime que cette double focalisation sur le contrôle latéral de la trajectoire trouve partie son explication dans les personnalités des deux pilotes et dans les relations internes à l'équipage. Dans la phase de capture de l'axe,le commandant a éprouvé des difficultés à matérialiser sa trajectoire et à adopter rapidement les corrections appropriées. Le copilote avait quant à lui une bonne matérialisation latérale, il n'a toutefois pas annoncé le cap de capture initial affiché par le commandant et n'a prononcé une appréciation sur ce cap que quand il en a vu les effets sur la trajectoire. Le

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Peter B. Ladkin, 1999-02-08
Last modification on 1999-06-15
by Michael Blume